samedi 13 septembre 2008

L'illusion de la fin


Que nous ayons rêvé de cet événement, que tout le monde sans exception en ait rêvé, parce que nul ne peut ne pas rêver de la destruction de n'importe quelle puissance devenue à ce point hégémonique, cela est inacceptable pour la conscience morale occidentale, mais c'est pourtant un fait, et qui se mesure justement à la violence pathétique de tous les discours qui veulent l'effacer.
A la limite, c'est eux qui l'ont fait, mais c'est nous qui l'avons voulu. Si l'on ne tient pas compte de cela, l'événement perd toute dimension symbolique, c'est un accident pur, un acte purement arbitraire, la fantasmagorie meurtrière de quelques fanatiques, qu'il suffirait alors de supprimer. Or nous savons bien qu'il n'en est pas ainsi. De là tout le délire contre-phobique d'exorcisme du mal : c'est qu'il est là, partout, tel un obscur objet de désir. Sans cette complicité profonde, l'événement n'aurait pas le retentissement qu'il a eu, et dans leur stratégie symbolique, les terroristes savent sans doute qu'ils peuvent compter sur cette complicité inavouable.
J. Baudrillard

2 commentaires:

Le platane a dit…

Moi, j'y ai vu un réel signe divin. Un châtiment venu du ciel, le WTC est quelque chose entre Babel et Sodome.

« Le soleil se levait sur la terre quand Lot entra dans le Tsoar. Alors l'Éternel fit tomber sur Sodome et sur Gomorrhe une pluie de soufre et de feu; ce fut l'Éternel lui-même qui envoya du ciel ce fléau. Il détruisit ces villes et toute la plaine, et tous les habitants de ces villes. La femme de Lot regarda en arrière, et elle devint une statue de sel. Abraham se leva de bon matin et se rendit à l'endroit où il s'était tenu en présence de l'Éternel. De là, il tourna ses regards du côté de Sodome et de Gomorrhe et vers toute l'étendue de la plaine ; et il vit monter de la terre une fumée, semblable à la fumée d'une fournaise. »

Sauf que les téléspectateurs ne se sont pas changé en statues de sel, mais presque, ce fut une stupecfaction mondiale. Et pour Babel, cela est clair ou presque, il fallait lancer un avertissement aux hommes en détruisant un symbole de la nouvelle langue universelle. Certes ce n'est pas l'antique langue adamique, mais le language de la marchandise qui prétend à l'universalité et à l'omnipotence. Le WTC est un acte prophétique biblique. Nous ne connaissons pas les commenditaires de cet attentat, mais ils ont sûrement lu la Bible. Voilà au moins une certitude, voilà au moins une signe de " la complicité inavouable ".

messier45 a dit…

" Non il ne faut pas humaniser l'architecture. L'anti-architecture, la vraie, pas celle d'Arcosanti, Arizona, qui rassemble toutes les technologies douces au coeur désert - non, la sauvage, l'inhumaine, celle qui dépasse l'homme, elle s'est faite ici toute seule, à New York, et sans considération de niche, de bien-être ou d'écologie idéale. Elle a joué les technologies dures, elle a exagéré toutes les dimensions, elle a parié sur le ciel et sur l'enfer... L'éco-architecture, comme l'éco-société, c'est l'enfer en douceur du Bas-Empire.

La merveille des démolitions modernes. C'est un spectacle inverse que celui d'un lancement de fusée. Le building de vingt étages glisse tout entier à la verticale vers le centre de la terre. Il s'effondre droit comme un mannequin, sans perdre sa contenance verticale, comme s'il descendait dans une trappe, et sa propre surface au sol absorbe ses décombres. Voilà un art merveilleux de la modernité, qui égale celui des feux d'artifice de notre enfance. "

Amérique, Jean Baudrillard, 1986